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Des règlements d'abattage abusifs

Dernière mise à jour : 28 sept. 2021

1er septembre 2021


Dans le cadre du processus de révision des schémas d’aménagement des MRC, la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme prévoit des dispositions obligatoires visant à « régir ou restreindre l’abattage d’arbres afin d’assurer la protection du couvert forestier et de favoriser l’aménagement durable du couvert forestier [1] ». Ainsi les MRC fournissent les bases réglementaires aux municipalités afin que celles-ci adaptent et adoptent leurs propres règlements sur l’abattage des arbres.


Source: RFBiotiques.

Les municipalités d’un même territoire n’ont pas toutes les mêmes objectifs de protection puisque les enjeux sociaux ou environnementaux peuvent varier. Il est tout à fait louable de protéger par voie réglementaire les milieux sensibles, les paysages et les ressources. Par exemple, on peut vouloir réduire la coupe forestière:

  • en bordure de cours d’eau, dans les milieux humides, dans les érablières, dans les écosystèmes rares, menacés, vulnérables ou exceptionnels,

  • en bordure des routes ou sentiers,

  • à proximité des résidences ou infrastructures récréatives,

  • etc.

Habituellement, ces dispositions visent surtout les coupes totales dont l’impact visuel ou environnemental peut être significatif. Notons ici que ces impacts sont relativement faibles ou nuls lors de coupes partielles ou sélectives. Malgré tout et parfois par manque de connaissances, certaines instances municipales augmentent significativement les restrictions de sorte que les règlements deviennent si contraignants qu’il s’avère extrêmement complexe, voire impossible, de réaliser des travaux d’aménagement forestier durables et rentables dans les forêts privées. Ces règlements abusifs risquent de devenir contraires à l’esprit des lois provinciales[2] concernées par l’abattage d’arbres. Ces règlements risquent également d’être incohérents avec les normes techniques ou administratives des programmes[3] d’aménagement forestier provinciaux. Sur le terrain, ces règlements mal conçus constituent un véritable casse-tête pour les ingénieurs forestiers qui doivent en tenir compte dans leurs prescriptions sylvicoles de même qu’aux inspecteurs municipaux chargés de les faire appliquer et d’émettre les permis.


Dans certains cas, les municipalités exigent des frais d’émission du certificat d’abattage si élevés que le contribuable doit y consentir une bonne partie de ses droits de coupe ou redevances forestières dus au terme des travaux de récolte. Cet aspect peut limiter la rentabilité des travaux d’aménagement forestier durables qui génèrent des revenus souvent beaucoup plus modestes que lors des coupes sévères principalement visées par ces dispositions réglementaires.


Un règlement mal adapté peut même compromettre les investissements sylvicoles de l’État. Par exemple, un règlement qui ne permettrait pas à un producteur forestier de récolter les arbres qu’il a plantés avec l’aide du gouvernement (production de plants, aide financière à la plantation, à l’entretien, etc.). Son investissement personnel ainsi que celui de l’État québécois deviennent alors nuls ou non rentables.


Source: RFBiotiques.

Pendant que chacune des parties impliquées dans l’émission du permis s’enlise dans des démarches administratives laborieuses, frustrantes et inutiles, les délais s’allongent et les coûts augmentent. Les entrepreneurs finissent par se décourager, ils quittent les chantiers et le peu de main-d’œuvre qualifiée devient de plus en plus rare. Toutes ces situations invivables tuent la passion des aménagistes forestiers et ont de lourdes conséquences sur l’industrie forestière, sur les valeurs foncières, sur les efforts de lutte aux changements climatiques auxquels contribue la foresterie et sur l’état de santé de nos forêts privées en déficit d’aménagement. Pernicieusement, elles incitent le contribuable à couper ses arbres potentiellement sans permis. Les coupes forestières non dirigées alors réalisées en catimini par le propriétaire qui s’est dit « j’ai le doua » sont loin d’une sylviculture conforme aux objectifs de mise en valeur que les gouvernements encouragent. Et l’accumulation de ces perturbations majeures finit par donner raison aux municipalités qui rendent leurs règlements de plus en plus sévères pour ceux qui ne veulent que bien soigner leur patrimoine forestier.


Pour éviter que la situation ne dégénère et avant qu’il ne soit trop tard, les municipalités ont le devoir de prévoir ces problèmes d’applicabilité et d’interprétation. Il ne suffit plus de « copier-coller » le règlement un peu mal compris d’une municipalité voisine et de l’appliquer sur un territoire où les enjeux peuvent être très différents.


Un règlement devrait toujours être aisément applicable. Autrement, il risque d’être invalidé par la Cour s’il est démontré que le contribuable qui y est assujetti est soumis à des entraves déraisonnablement oppressives et arbitraires. Dans certains cas typiques, ces règlements considérés abusifs empêchent toute utilisation forestière d’une propriété de sorte qu’ils risquent d’être considérés comme une expropriation déguisée. On pourrait aussi reprocher à un règlement de déroger aux très chères libertés et droits fondamentaux inscrits dans les chartes canadiennes et québécoises.


Heureusement, des outils sont à la disposition des municipalités pour les assister dans l’élaboration de leurs règlements. Par exemple, les agences de mise en valeur des forêts privées ayant la responsabilité d’appliquer leurs Plans de protection et de mise en valeur (PPMV) doivent être consultées sérieusement. Tous les ingénieurs forestiers œuvrant en forêt privée constituent aussi de très bons alliés, professionnels et compétents pour orienter ces démarches. Enfin, des organismes reconnus du milieu forestier (FPFQ, OIFQ, MFFP, etc.) ont collaboré afin de produire un guide[4] disponible en ligne visant à fournir de l’information technique au personnel des MRC et des municipalités qui les aidera, on l’espère, à mieux réviser leurs règlements d’abattage d’arbres et de protection du couvert forestier.




Par: Jean-Sébastien Malo, ingénieur forestier



Références: [1] Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/showdoc/cs/a-19.1 [2] Code civil du Québec, Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier, Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, Loi sur les pêches, Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, Loi sur la qualité de l’environnement, Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, Loi sur les espèces en péril, Loi sur les ingénieurs forestiers. [3] Programme d’aide à la mise en valeur des forêts privées. https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/forets-privees/programmes-laide-financiere/programme-aide-mise-valeur-forets-privees/ Programme de remboursement des taxes foncières pour les producteurs forestiers reconnus. https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/forets-privees/programmes-laide-financiere/remboursement-taxes-foncieres-producteurs-forestiers-reconnus/. [4] Côté, M.A, Garneau, V. Naud, F, Rhéaume, M-A, 2018. Guide d’aide à la rédaction d’un règlement municipal sur l’abattage d’arbres et la protection du couvert forestier, [En ligne], http://www.fqm.ca/publications

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