1er décembre 2021
En tant qu’experts en foresterie, cette question nous est fréquemment posée. La valeur d’un arbre varie grandement en fonctions de plusieurs facteurs, autant des caractéristiques propres à l’arbre même que des éléments indépendants. Ainsi, la valeur d’un arbre est hautement variable selon le contexte. Certains arbres ont une valeur inestimable, c’est le cas par exemple des arbres remarquables par leur rareté, leur dimension exceptionnelle et ceux particulièrement vieux qui ont vu plus d’une génération humaine sous leurs branches. À l’inverse, on pourrait penser à un arbre en déclin de grande dimension qui risque de causer des dégâts matériels importants ou qui pourrait compromettre la sécurité humaine. Dans ce cas, l’arbre a une valeur négative puisqu’il en coûtera plus cher de s’en débarrasser que sa valeur intrinsèque ! Voyons d’abord les principales variables à considérer pour estimer la valeur d’un arbre.
Le premier facteur à considérer est certainement l’usage ou la vocation de l’arbre. On peut classer ces usages en quatre grandes catégories soit l’usage ornemental, l’usage agricole, l’usage environnemental et l’usage forestier.
En haut de l’échelle des valeurs se trouvent habituellement les arbres d’ornement, soit ceux qui évoluent sur nos terrains résidentiels et les arbres urbains. Ces arbres sont considérés de façon beaucoup plus individuelle que leurs cousins forestiers évalués à l’échelle des peuplements forestiers. De plus, ces arbres de proximité remplissent une multitude de fonctions essentielles pour l’humain. Citons notamment l’embellissement des propriétés, la réduction des îlots de chaleur (ombrage), la captation des poussières, la purification de l’air, l’atténuation du bruit, l’attrait pour la faune, etc. Selon la méthode d’évaluation[1] utilisée par les professionnels pour déterminer la valeur de ces précieux végétaux, leur valeur contributive peut représenter jusqu’à 15% de la valeur totale d’une propriété. On comprend alors pourquoi ces arbres peuvent valoir une petite fortune sans parler de leur valeur sentimentale !
D’autres arbres remplissent des fonctions tout aussi essentielles notamment pour l’environnement ou l’agriculture. C’est le cas des végétaux qui composent une haie brise-vent en milieu agricole. Ces arbres doivent alors réduire les coûts de chauffage des bâtiments agricoles, réduire la dérive des pesticides, réduire l’érosion éolienne, contribuer à la pollinisation, contrer l’érosion et stabiliser les berges, etc. Hormis le coût de production de ces végétaux, leur implantation et leur entretien, leur valeur sera associée indirectement aux coûts et économies associées à ces fonctions. Toujours en agriculture, les érables utilisés à des fins acéricoles constituent un autre exemple bien documenté et très concret. Dans ce cas, la valeur de l’arbre est directement associée au revenu annuel potentiel tiré de l’exploitation de sa sève. La productivité de l’arbre, le nombre d’années d’exploitation, les variabilités saisonnières et les valeurs du marché acéricole influenceront donc sa valeur. Dans ce marché, un érable peut valoir facilement 200 $.
Dans le contexte de lutte aux changements climatiques, la contribution des arbres aux biens et services écosystémiques ainsi qu’à la captation des gaz à effet de serre (GES) devient de plus en plus incontournable même si les marchés du carbone ne sont pas encore tout à fait déployés. On peut aisément prédire que la valeur des arbres associée à ces fonctions augmentera significativement à moyen terme, et ce proportionnellement au prix du marché du carbone ou à l’urgence climatique. Actuellement, on estime qu’un arbre va « absorber » environ 25 kg de CO² par année à des vitesses variables de sa durée de vie. Ce potentiel à long terme pourrait ajouter de la valeur aux arbres si l'on s’assure qu’ils rempliront leur fonction jusqu’à la fin de leur cycle vital.
En foresterie, on associe la valeur des arbres aux produits forestiers qu’on pourra générer par leur récolte. Ainsi, les caractéristiques de l’arbre (essence, dimensions, qualité de sa fibre) contribuent directement à sa valeur. Ensuite, on doit considérer la valeur brute des produits potentiels (bois d’œuvre, bois d’énergie, bois de trituration, bois de sciage, bois de déroulage, etc.) moins les coûts associés à sa récolte.
Pour fins d’exercice de calcul théorique et indépendamment du contexte de récolte, nous avons estimé la valeur brute de quelques essences communes en considérant un arbre de dimension normale (30 cm de diamètre) en bonne santé (exempt de défauts importants). Nous avons considéré des valeurs locales et une proportion moyenne de bois de qualité par tige pour les essences feuillues et le pin. Cette estimation donne un aperçu comparatif de la valeur forestière d’un arbre avant déduction des frais d’abattage, ébranchage, tronçonnage, débardage, transport, gestion et autres frais associés au projet de récolte.
Essence et valeur en ordre d'apparition des photos:
Bouleau jaune: 35$
Bouleau blanc: 30$
Chêne rouge: 37$
Épinettes: 37$
Érable rouge: 31$
Érable à sucre: 36$
Frêne blanc: 32$
Hêtre à grandes feuilles: 32$
Mélèze laricin: 18$
Peuplier faux-tremble: 24$
Pin blanc: 12$
Pin rouge: 22$
Pruche de l'Est: 12$
Sapin baumier: 32$
Thuya occidental: 13$
Par: Jean-Sébastien Malo, ing. f.
Référence:
[1] Guide d’évaluation des végétaux d’ornement – édition 1995, Société internationale d’arboriculture-Québec inc., 1995, 67 p.
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