1er décembre 2021
Oeuvrant en aménagement forestier durable, le téléphone rougit parfois pour une tout autre raison chez RFBiotiques. Le boom immobilier fait en sorte que les entreprises du domaine forestier sont très sollicitées pour diverses expertises ou pour réaliser des projets de « déforestation ». Le terme déforestation est le mot juste, car à la différence d’un déboisement, la vocation du site passera de forestière à résidentielle ou commerciale et donc au recul de la superficie boisée. Même si éthiquement les acteurs du milieu forestier sont désillusionnés devant de tels projets et voudraient procéder autrement, les promoteurs ont déjà bien souvent obtenu l’aval de la ville avec permis en poche. Il serait donc judicieux d’établir des balises en amont afin d’amenuiser les impacts de ces projets sur le morcellement des milieux naturels.
Constat
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a publié récemment les données à jour sur les mises en chantier résidentiel de la dernière année.
Ainsi, d’octobre 2020 à septembre 2021, les mises en chantier dénombrées dans la province laissent voir une forte augmentation par rapport à la période précédente de douze mois.
Tableau : Mise en chantier d’habitation par centre urbain (Extrait 18 octobre 2021)
Ces résultats affichent l’évidence d’une hausse fulgurante de la construction due notamment à l’effet pandémique. Bien qu’importante à l’échelle du Québec et de Lanaudière, l’augmentation est très significative du côté des régions rurales. Étrangement, c’est à l’ère de l’urgence climatique que la pression sur les milieux naturels aura été la plus grande.
L’impact de cette ruée inattendue et disséminée des projets domiciliaires sur les milieux naturels, la biodiversité et les paysages est non négligeable. Il serait astucieux que les municipalités, acteurs de premier plan en gestion du territoire, encadrent dès maintenant l’intégration des projets domiciliaires à l’environnement. L’adoption d’une politique de l’arbre définissant les orientations, enjeux et objectifs en lien avec les milieux naturels est une bonne première étape pour ensuite mieux rédiger la réglementation. À titre d’exemple, un tel exercice fut déjà réalisé par la municipalité de Rawdon.
Ressources forestières biotiques œuvre notamment dans le service-conseil aux municipalités en matière de politique ou de réglementation en lien avec l’aménagement durable et multiressources des milieux naturels.
Place à l'audace et à la créativité
Rue des Pins, rue des Érables, rue des Bouleaux. Cette charmante nomenclature aux allures forestières pourrait aussi être vue par certains comme un symbole de « déshonneur » à ces arbres, car au lieu de leur laisser une fière place dans les aménagements, l’utilisation de ces toponymes dans les développements denses présente bien souvent le triste souvenir de leur abondance passée.
Toponyme forestier en quartier dense et extensif. Source : Image Google 2021
Différentes municipalités ou promoteurs soucieux de leur leg aux générations futures donnent l’exemple et ont imaginé des projets novateurs et plus durables en termes de développement. Soulignons notamment le projet de Beside Habitat à Chertsey visant une belle intégration des aménagements aux milieux naturels.
Voici d’ailleurs quelques voies de succès pour évoluer vers des aménagements respectueux de l’environnement :
Ligne directrice : Adaptation des projets à l’environnement naturel et non l’inverse et profiter du capital nature déjà présent sur la propriété;
Munipalité encourageant l’habitation durable dans ses politiques;
Changement du modèle purement économique des vendeurs-promoteurs-perceveurs de taxes;
Vision à long terme d’un développement optimal au lieu de maximal ($);
Vision des milieux naturels comme une opportunité d’intégration des usages et des ressources.
Le seuil critique de 30% de milieux naturels dans un secteur donné est bien reconnu comme limite en dessous de laquelle il y a une perte significative de biodiversité. Or, afin d’être cohérent dans l’atteinte des objectifs de préservations des milieux naturels et de l’effort mondial contre les changements globaux, ce minimum de 30% de milieux naturels préservés pourrait par exemple être considéré dans les différentes actions de la part de l’ensemble des acteurs.
Il existe différentes manières d’intégrer les arbres dans les projets d’habitation. Soit des arbres individuels, des lisières boisées ou des massifs. Voici quelques modèles de lisières et massifs boisés à titre d’exemple :
Sources: Ville de Québec et ÉcoHabitation
Augmenter la surface minimale des terrains lotissés pour permettre la rétention d’un maximum d’arbres, l’intégration de lisières boisées multiusages bordant les rues, les allées piétonnières, de vélo, de sentiers pédestres et la préservation de parcs collectifs ou d’îlots boisés sont autant de manières d’augmenter rapidement la présence d’éléments naturels tout en améliorant la qualité de vie des résidants. Cette manière de développer avec une vision à long terme des impacts ne doit pas être vue comme une contrainte pour les promoteurs, car elle a également sa valeur sur le marché. Les vendeurs peuvent également faire leur part. Il est possible de faire un don écologique d’une portion boisée à l’intérieur de la propriété convoitée. Les vendeurs peuvent ainsi bénéficier de crédits d’impôt pour ce bien collectif.
L’enjeu est grand et les solutions, petites ou grandes, doivent jaillir de toutes directions sans plus tarder. Le rôle que peut avoir un simple citoyen conscientisé est significatif. Faites part à vos élus et décideurs de l’importance de prendre action en emboîtant le pas et en mettant l’épaule à la roue pour développer un avenir plus boisé !
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