top of page

Enclave forestière

1er novembre 2022

Par : Jean-Sébastien Malo, ing. f.


Plusieurs propriétés forestières ne sont pas facilement accessibles. Beaucoup de propriétaires forestiers recherchent un certain éloignement des milieux urbains ou achalandés pour profiter d’un contact privilégié avec la nature, pour avoir la « sainte paix » ! La terre à bois devient un petit coin de paradis où l’on y récolte son bois de chauffage, où l’on y produit du sirop d’érable ou l’on y chasse le gibier. Cet isolement volontaire implique parfois de parcourir un chemin privé ou même un sentier qui mène au lot forestier.


Accès à un chemin forestier carrossable à partir d’une voie publique. Source: RFB inc.

Lorsque ce lot forestier n’a aucune issue sur la voie publique, on le qualifie de « fonds enclavé » en terme juridique. Les propriétés enclavées ne peuvent être desservies par aucun service et le développement y est beaucoup plus complexe à envisager. C’est notamment pour ces raisons que la valeur de l’immeuble sera bien moindre sur le marché.


Dans certains cas extrêmes, la propriété sera qualifiée d’enclavée si l’issue est « insuffisante, difficile ou impraticable ». Par exemple, une terre à bois qu’on ne peut rejoindre que par un sentier ou un chemin tortueux avec des pentes raides. Il devient alors difficile, voire impossible, d’y récolter du bois puisqu’il n’y aura aucun accès possible pour le transport forestier par camions lourds. On pourra alors rapprocher le bois vers l’aire de chargement en parcourant de plus longues distances avec la machinerie forestière. Ces longues distances de débardage risquent alors d’occasionner des frais supplémentaires importants de sorte que la rentabilité des opérations forestières peut être compromise.


Accès difficile : sol mince et rocailleux avec pente forte. Source: RFB inc.

Prenons l’exemple d’un lot dont d’importantes superficies à aménager sont enclavées par une falaise infranchissable. La seule option qui s’offre au propriétaire désirant profiter de sa forêt, après analyse du territoire, est d’aménager un accès en empruntant un tracé permettant de contourner la falaise, mais qui doit passer par une ou plusieurs propriétés voisines. Si une servitude de passage légale existe en faveur du propriétaire enclavé, il s’agira d’exercer ce droit conformément aux dispositions qui s’y appliquent. Dans certains cas, sur entente mutuelle des parties et parfois moyennant une indemnité à négocier, une servitude de passage temporaire peut être consentie. Il conviendra alors de spécifier clairement dans un contrat les obligations à respecter notamment sur la durée de l’utilisation de la servitude et sur les travaux requis pour rendre ce passage utilisable. Au terme de cette entente, les parties devront être satisfaites de l’état des lieux à la fin des travaux forestiers conformément à ce qui avait été convenu. Autrement, lorsque le ou les voisins s’opposent à consentir une servitude de passage, le propriétaire enclavé peut « forcer » ses voisins à lui permettre cet accès. Le Code civil du Québec prévoit que, selon l’article 998, « le droit de passage s’exerce contre le voisin à qui le passage peut être le plus naturellement réclamé, compte tenu de l’état des lieux, de l’avantage du fonds enclavé et des inconvénients que le passage occasionne au fonds qui le subit ». L’expertise d’un ingénieur forestier pourrait alors être requise afin de démontrer que le passage convoité correspond à l’option qui occasionne le moins d’inconvénients aux parties impliquées.


La problématique de l’accès aux massifs boisés à aménager peut constituer des tracas importants freinant l’aménagement forestier en territoire privé. Il est donc fortement suggéré de considérer ces options idéalement avant d’acquérir une propriété forestière et d’anticiper des revenus potentiels provenant de la vente de bois. Dans la région de Lanaudière, plusieurs massifs forestiers sont parvenus à maturité économique selon les dernières estimations sur la possibilité forestière. Toutefois, nous constatons que plusieurs massifs d’intérêt ne pourront être exploités qu’avec le consentement d’importants investissements en voirie forestière qui impliquent parfois de régler la question des enclaves. Nous observons également que la récente flambée des prix pour les propriétés forestières occasionne un morcellement des propriétés foncières. Cette tendance à la subdivision, bien qu’elle permette l’accès au marché des immeubles forestiers à un plus grand bassin d’acheteurs potentiels, occasionne souvent des problèmes liés aux enclaves de lots forestiers. Dans les circonstances, nous sommes d’avis que les instances municipales pourraient considérer cette problématique parmi les enjeux de développement du territoire. Une réglementation mieux adaptée sur le lotissement des propriétés forestières pourrait alors constituer un outil pour faciliter l’aménagement forestier durable des territoires privés.

389 vues

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page