Le hêtre, le mal-aimé
- rfbiotiques
- 31 août 2020
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 sept. 2020
Le hêtre est reconnu depuis des lustres comme une espèce indésirable dans nos érablières. Sur certains sites, son caractère envahissant limite la régénération des autres espèces, dont l’érable procurant le précieux or jaune du Québec!
Bien que détesté, il a pourtant de nombreuses qualités!

Utilisations
Son bois très dur en fait un bois de chauffage très apprécié pour sa très haute valeur calorifique en plus d’être un bois considéré « propre » de par son écorce qui ne se désagrège pas.
Historiquement, son utilisation fut diversifiée. Il y eut un temps ou sa combustion servait à la fabrication du créosote, sa sciure fut une composante de poudre à canon et fusil, son bois a déjà servi pour fabriquer du bardeau, fourches, chemin de fer, charbon de bois, même jusqu’à utiliser ses feuilles en rembourrure de matelas plus confortable que la paille!
Aujourd’hui, on l’utilisera dans l’industrie de la 1re transformation telle la production de pâte et de sciage (ex.: palette, contreplaqué). Toutefois, la qualité des tiges a grandement diminué depuis la venue de la maladie corticale du hêtre.

Dans la filière de la 2e transformation, on en fera des chaises, planchers, meubles, manches, poignées, caisses d’emballage. Depuis tout récemment, on utilise même ses résidus dans la conception de filet biodégradable pour l’emballage des fruits et légumes dans certains supermarchés visant à diminuer leur empreinte écologique.
Sa noix comestible nommée faîne fut déjà transformée pour en faire une huile substituant le beurre et même l’huile à lampe. Ses feuilles et son écorce ont aussi des propriétés médicinales.
Sa large cime avec ses grosses branches charpentières lui confère également une valeur ornementale élevée.
Rôles écologiques

Le hêtre à grandes feuilles est une espèce tolérante à l’ombre pouvant vivre entre 250 et 400 ans. Dans les écosystèmes situés en haut de pente et sommet, il accompagne régulièrement l’érable à sucre, le bouleau jaune, la pruche de l’est et d’autres feuillus tolérants à l’ombre. Il est très compétitif en sol bien drainé, à texture grossière et en sol acide, comparativement à l’érable à sucre qui est plus exigeant au niveau de la richesse du sol.
Les arbres matures comportent souvent des cavités qui servent de refuge aux animaux.
Les faînes (noix) sont très prisées par la faune, notamment les geais bleus, gélinotte huppée et autres oiseaux, des rongeurs (écureuil, raton laveur), de même que les ours qui y grimpent en laissant leurs impressionnantes marques de griffes pour atteindre le sommet de ces arbres majestueux (voir photo ci-dessous) http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/essences/arbre.php?id=90
Effets des changements globaux
Bien que le hêtre ait sa place dans l’écosystème, les changements globaux risquent de beaucoup changer sa dynamique. D’un côté, la maladie corticale du hêtre les décimes, d’un autre côté son caractère envahissant est accentué. En effet, le drageonnement du hêtre est stimulé lorsque l’écosystème est perturbé tel que l’augmentation de lumière au sol occasionné par la mortalité dans le couvert forestier ou même par le bris de branches lors de forts épisodes de verglas. De plus, le hêtre est moins désavantagé que l’érable à sucre par la baisse de fertilité des sols causée notamment par les pluies acides. Il est toutefois plus sensible aux sécheresses que l’érable.
On ne peut donc pas déterminer ce qu’il se passera dans l’avenir, mais, chose certaine, il continuera pendant encore quelque temps à donner des maux de tête à de nombreux acériculteurs au grand plaisir de la faune friande de ces petits trésors que sont les faînes!
Par: Julie Venne, ingénieure forestière
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